LES VOYAGES EXTRAORDINAIRES

JULES VERNE

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Ou l'on mène la vie des oiseaux

(...) L'arbre sur lequel Glenarvan et ses compagnons venaient de trouver refuge ressemblait à un noyer. Il en avait le feuillage luisant et la forme arrondie. En réalité, c'était "l'ombu", qui se rencontre isolément dans les plaines argentines. Cet arbre au tronc tortueux et énorme est fixé au sol non-seulement par ses grosses racines, mais encore par des rejetons vogoureux qui l'y attachent de la plus tenace façon. Aussi avait-il résisté à l'assaut du mascaret.

Cet ombu mesurait en hauteur une centaine de pieds, et pouvait couvrir de son sombre une circonférence de soixante toises. Tout cet échafaudage reposait sur trois grosses branches qui se trifurquaient au sommet du tronc large de six pieds. Deux de ces branches s'élevaient presque perpendiculairement, et supportaient l'immense parasol de feuillage, dont les rameaux croisés, mêlés, enchevêtrés comme par la main d'un vannier, formaient un impénétrable abri. La troisième branche, au contraire, s'étendait à peu prés horizontalement au-dessus des eaux mugissantes; ses basses feuilles s'y baignaient déjà; elle figurait un cap avancé de cette île de verdure eontourée d'un océan. L'espace ne manquait pas à lintérieur de cet arbre gigantesque; le feuillage, repoussé à la circonférence, laissait de grands intervalles largement dégagés, de véritables clairières, de l'air en abondance, de la fraîcheur partout. A voir ces branches élever jusqu'aux nues leurs rameaux innombrables, tandis que des lianes parasites les rattachient l'une à l'autre, et que des rayons de soleil se glissaient à travers les trouées du feuillage, on eût vraiment dit que le tronc de cet ombu portrait à lui seul une forêt tout entière. (...)

JULES VERNE (1828­1905). "Les enfants du capitanine Grant" (Les Voyages Extraordinaires) (Pág.172-207) - Librairie Hachette-Paris-1924


Tribut á l' Ombu